****TRIGGER WARNING****(plein, partout)
J'ouvre les yeux.
Tiens, il semble être encore tôt. L'amoureux est déjà sorti du lit, il est tout froid ce lit. MINCE, mais faut que je me lève. Ah mais non, on est samedi, t'es bête. Ouch, je dois m'étirer. Ça fait du bien.
Tiens c'est bizarre j'arrive pas bien à respirer. Tiens c'est bizarre, je crois que j'ai fait un cauchemar. J'ai même encore les yeux collés par des larmes.
Tiens, pourquoi j'ai cette énorme boule au ventre?
La terreur. La tristesse. L'incompréhension.
MERDE. C'était pas un cauchemar.
Je suis à nouveau secouée par des sanglots.
J'appelle l'amoureux d'une voix étranglée. Il s'allonge à côté de moi et me serre très très fort.
***
Mes 40 première seconde de réveil samedi matin.
Et ces quelques secondes de paix, où rien de tout cela n'était arrivé. Où le sommeil m'a fait cadeau de quelques moments de répit. Où j'étais encore le vendredi 13 novembre au matin à me dire "nan, mais tout le monde dit que cette journée porte la poisse, moi je change mes croyances et je me dis qu'elle porte bonheur. En plus c'est la journée de la gentillesse, ça va être une journée géniale".
***
Puis je demande à l'amoureux "il y a quoi de neuf". Parce que je pense au décalage
horaire et à tout ce que j'ai raté depuis que j'ai réussi à éteindre la
télé et Twitter vers 2h du matin.
"C'est Daesh. Les terroristes sont morts. Il y a 128 victimes pour le moment. Hollande a re-parlé, il a fait ça bien. Je suis allé chercher des croissants pendant que tu dormais. Tu veux quoi comme thé?"
***
C'est bon, tous les amis ont checké "safe" sur l'appli Facebook. C'est bon, la famille dans l'est Parisien va bien, je l'ai su hier, après une belle demi heure d'angoisse totale.
Un message gtalk à la BFF, là bas à Paris
"-ça va comment ce matin? -bof, l'ambiance est bizarre dans les rues".
Des messages des amis québécois.
"ça va ta famille?"
"on pense à toi, à vous"
"on peut faire quoi pout t'aider?"
*émoticône de chat avec un coeur*
Message des amis français " tout le monde est ok chez vous? Nous on attend encore des news de plusieurs personnes, mais ça devrait aller".
Puis Twitter. Les avis de recherche d'hier se sont transformés en "RIP".
Des politique récupèrent déjà la truc. J'ai même pas la force de m'en indigner.
Je devrais faire ma pratique matinale, mais je n'ai pas envie de dérouler mon tapis. Par contre, j'ai la force d'allumer des bougies et d'envoyer de l'amour. Et j'ai la force ne sonder mon coeur pour me rendre compte que je n'ai pas de haine dedans. Juste de la tristesse infinie. Y compris pour les terroristes.
Je me dis que c'est pas si pire du tout comme Yoga pour aujourd'hui.
J'appelle ma famille. On pleure ensemble. J'essaye de transmettre un peu de ma paix au milieu de toute cette violence.
C'est bizarre quand même cette paix résignée dans mon coeur. Cette absence de colère. Ce serait le yoga? Je me connais, elle doit être ailleurs.
Puis je lis sur Facebook une de mes connaissance qui commente que "bah voilà ce qu'il se passe lorsqu'on laisse les réfugiés syriens venir hein. Que le Canada en prenne de la graine".
Putain, mais quel con. Mais quel con, mais quel con, mais quel con.
OOOHHH.
Elle est donc là, ma colère. Et elle est dirigée contre l'ignorance.
J'ai passé le reste du week-end à essayer de la transformer en amour, en compassion.
***
La face de mon monde vient de changer. Je viens de changer.
Et je ne sais pas encore si c'est en mieux ou en pire.
Je pense à Paris. Je pense à vous.
Je pense à vous qui n'êtes plus ici. Je pense à vous qui êtes blessé, qui avez perdu un proche. Je pense à vous qui avez vu, entendu, qui avez survécu. Je pense à vous qui êtes traumatisé par tout ça. Je pense à vous qui êtes trop loin et qui vous sentez impuissant. Je pense à vous qui êtes triste, vous qui vous sentez seul.
Je pense à nous.
Je fais de la place pour accueillir tout ça.
Je vous aime.
Vraiment.
Salut Alice,
RépondreSupprimerje suis contente que tu n'aie pas perdu de proche dans cette affaire; je suis triste moi aussi et mon weekend était teinté d'une atmosphère vraiment bizarre pour le coup, entre le soulagement que ma famille et mes ami(e)s aillent bien, et comme de la culpabilité d'être si en sécurité ici même si je sais que c'est idiot, comme sentiment. Enfin bref, j'ai besoin de me déconnecter pour le coup. Je te souhaite une bonne semaine, prends soin de toi.
Fanny
pareil... le choc... bon courage à toi. Bon courage à nous. Hier on a mis des bougies aux fenêtres avec les enfants, ça leur a fait du bien. Mais ce matin, l'école était barricadée (plan vigie pirate niveau écarlate en région parisienne) comme la dernière fois (charlie), il fallait les laisser à la porte au lieu d'aller dans la classe. Il y en avait qui pleuraient, qui demandaient si les terroristes allaient venir. C'est terrible... nos enfants vont s'habituer à vivre avec ça... :-( :-( :-(
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup beaucoup de mal avec l'avalanche de commentaires haineux et ignorants qui commencent à affluer. C'était prévisible. C'est pourtant pas compliqué d'être en colère contre les connards qui ont tué, et non genre la moitié du monde!
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