jeudi 9 juillet 2020

De la Cancel Culture chez les granos.


Bon. Maintenant que mon titre bien racoleur à fait cliquer, parlons de choses sérieuses.

Tout d’abord le fait que la “cancel culture” n’existe pas et que c’est un concept créé par les gens “cancelés” par les mouvements Me Too, BLM, Anti-raciste, anti-transphobe (JK Rowling, on te voit), etc... qui les place en victimes alors que ce sont eux les bourreaux. Ils ne sont pas “cancelés”. Ils sont légitimement “call out” pour des idées nauséabondes. Nuance.


Photo par Casey Horner


[TW agressions sexuelles, abus, trauma]


J’aimerai parler ici du fait que dans le monde du yoga, du développement personnel, les abus de pouvoir, les agressions sexuelles et autres horreurs sont légions. Les accusations ont explosées ces dernières années, et il y a peu de chance que lorsque vous googlez une école “moderne” de Yoga, vous ne trouviez pas d’allégations (ou de condamnations) envers leur guru -professeur en Sanskrit-. (on parle ici bien de Desikachar, Iyengar, Yogi Bhajan, L’école de Nidra, Bikram et littéralement des dizaines d’autres).

De la même manière, les “gourous” du développement personnel -ici lire, connards en langue moderne- sont bien trop souvent des gens dont l’égo est tellement gigantesque que les abus sont courants.


Je vais juste faire une mise au point ici avant de continuer: par défaut, je crois les victimes. Les victimes, pour l’immense majorité des femmes, n’ont absolument rien à gagner à mentir. On l’a vu pendant les vagues me too, elles sont traînées dans la boue et les bourreaux s’en sortent souvent avec juste une tape sur la main et leur carrière intacte. La dénonciation ruine souvent la vie de celle qui l’a faite et elle obtient rarement réparation. Je trouve ces femmes extrêmement courageuses et je les crois de toute mon âme.


Je vais prendre ici deux exemples récents, pour moi, et qui m’ont touchés directement.

Je ne sais pas si vous avez entendu parlé du pétage de plomb monumental de Doreen Virtue. Ce n’est pas nouveau, mais je l’ai appris il y a peu. Doreen Virtue, la papesse des cartes d’oracle, de la communication avec les anges, a décrété un jour, qu’elle avait eu un éveil religieux et que tout son travail sur les anges était démoniaque.  Elle se “bat” à présent pour faire retirer ses cartes de la vente et s’excuse de nous avoir amené vers Satan (en gros).

J’ai commencé mon travail avec les Oracle avec ses cartes. Et je n’ai jamais vraiment accroché. Trop lisses, trop superficielles, mais faciles à appréhender. En apprenant tout ça, je me suis débarrassée des oracles que j’avais d’elle. Et j’ai réfléchi au fait que je les avais gardé parce que, malgrés mon intuition et mon ressenti, tout le monde la considérait comme une vraie guide.

L’autre exemple qui land close to home c’est Nahko. Nahko, le chanteur avec sa “medicine tribe” avec ses paroles magiques qui nous ont accompagnés, moi et tant d’autres, sur notre chemin intérieur. Mais aussi Nahko l’activiste pour plein de belles causes.

Nahko vient d’être accusé publiquement de toutes sortes d’abus. Ça va de “c’est un gros cave” à des viols sur mineures en passant par au moins une des ses ex qui témoigne de relation abusive. Ici, même si un seule c’est déjà trop, on parle de DIZAINES de témoignages sur de nombreuses années que le milieu connaissait mais qui ne sortent publiquement que maintenant.

Il a répondu avec un post super marketing-legal en ne prenant pas ses responsabilités.

Et j’ai supprimé Nahko de toute mes playlists.

Et non, on ne peut séparer l’homme de l’artiste, surtout lorsque son “art” se veut “medicine”.


Nahko, Doreen Virtue, Bikram et tant d’autres.

Je suis persuadée que lorsque l’on guide des gens dans leur spiritualité, on peut se permettre un peu de ”faites ce que je dis, pas ce que je fais”, mais seulement jusqu’à un certain point. Et on peut également enseigner et guider lorsque l’on est soi-même encore sur son chemin. Si un guru vous dit qu’il n’a plus rien à apprendre et est gavé de certitudes sur le “bon chemin” à prendre fuyez! Il est sain pour des professeurs d’avoir des doutes et des choses à explorer en interne.

Mais.

Mais il est primordial que ce chemin soit déjà BIEN entamé. Comment de la musique peut être medicine si elle a été écrite tout en abusant des femmes? Comment des cartes d’oracles et des enseignements peuvent être justes et bienveillant s’ils sont considérés par leur autrices comme étant malveillants? Comment le yoga Nidra peut être bénéfique si il a été conçu par des hommes qui ont torturés des dizaines de femmes (Google it)?

La cohérence. 

Pour guider les autres vers leur lumière, on doit nous même être guidé par la nôtre.



Alors on fait quoi? 

Alors comment on s’affranchit, en tant que yogi, que prof, que femme, que facilitatrice, de cet héritage toxique à l’extrême?

Je crois qu’il n’y a pas de réponse simple. 

Mais suivre notre intuition profonde est un beau point de départ.

Et croire et soutenir par défaut les victimes de ce système en est un autre, qui nous permettra d’assainir le milieu.

Reprendre le pouvoir sur son propre cheminement. Se faire guider avec bienveillance.

Et penser intersectionnalité des luttes. On en peut remettre en cause ces abus sans analyser les enjeux sociétaux derrière.


Moi, pour le moment, je travaille fort sur tout ça. Je partage, je transmets ce que je pratique et ce que j’ai intégré. J’essaye de garder mon oeil critique et mon libre arbitre aux aguets lorsque je lis des choses écrites par des hommes, pour des hommes. Je recalibre lorsque des scandales éclatent dans mes “lignées”. Je m'instruis sur l’activisme et les privilèges en dehors des cercles granos, pour pouvoir les y ramener. Je n’ai plus peur de remettre en question les enseignements des “maîtres” et je cherche plus loin lorsque cela ne me convient pas. Je reviens aux sources originelles des textes sur le Yoga, sans avoir besoin qu’un homme qui est incapable de confronter ses propres noirceurs, mes les traduise. 

Je me rends aussi compte que mes guides ces dernières années, étaient en immense majorité, des femmes. Des Femmes formidables, avec leur vécu de Femme, leurs blessures de Femme, et leur évolution dans un monde d’Hommes.


J’invite avec bienveillance vos réflexions, vos avis, vos témoignages.

Ensemble, on sera plus fort.e.s. Et on pourra faire changer les choses.




mercredi 27 mai 2020

Du haut de nos privilèges




Je ne sais pas bien où ira ce post, mais il veut sortir depuis un bout de temps.
J’ai un souci. J’ai un souci avec le monde du « développement personnel » actuel. Surtout depuis le début de la crise de la COVID.
J’ai un souci parce qu’en même temps que je m’éduque spirituellement, je m’éduque socialement. Et que ces deux mondes clashent, et pas à peu près.

Il y a un truc qui n’est pratiquement JAMAIS pris en compte dans le monde du développement personnel francophone : les privilèges. Le fait que l’écrasante majorité des discours s’adressent à des gens jeunes, en bonne santé, mince, blancs, riches, éduqués. Et que même lorsqu’il y a des ouvertures, ça vient toujours de personnes privilégiées et donc avec des injonctions au mieux maladroites, au pire discriminantes. Et vous savez comment je sais que cette réflexion va dans le bon sens? Parce que la majorité des privilégiés concernés qui lisent ça sont en train de se dire «bah non, moi, je fais pas ça».

Des exemples, parmi tant d’autres qui me parlent fort en ce moment. 
Une des injonctions qui revient le plus souvent c’est que l’on est responsable de nos réactions et qu’elles devraient être indépendantes du monde extérieur. Super à faire lorsque la vie va bien ou au moins qu’on a les moyens matériels de base pour se concentrer là-dessus.  Mais qu’en est-il des gens qui doivent au quotidien se battre, utiliser toute leur énergie pour se nourrir, se soigner, survivre? Est-ce que l’on peut arrêter de mettre TOUTE la responsabilité du bien-être sur l’individu et admettre que le « bonheur » n’est pas accessible à tous tant que notre modèle social actuel et les inégalités qui en découlent sont ce qu’ils sont? Il ne faut pas la même dose d’énergie à un chef d’entreprise et à un itinérant pour méditer. Et il est peut-être temps qu’on l’admette plutôt que de dire que c’est JUSTE une question de volonté. Et surtout qu’on fasse quelque chose.

Depuis le début du confinement, vous avez lu (ou écrit) combien de fois qu’il fallait en profiter pour « faire des choses qui vous nourrissent », « le prendre relax », « en profiter pour passer du bon temps » « slow toute ». Mais nous rendons-nous compte que pour beaucoup de monde, le quotidien n’a pas de place pour ça? Mon exemple à moi c’est que je suis mille fois moins disponible depuis le début du confinement alors que je n’ai pas de problème matériel? J’ai un toit, de la nourriture, un époux à la maison, la santé. Et pourtant je suis BRULÉE et je ne me reconnais pas dans les injonctions à « s’occuper de soi-même ». N’est-il pas de notre responsabilité en tant que communauté de donner des outils pouvant servir à prendre soin de nos plus précaires, de nos plus isolés plutôt qu’à se regarder aller le nombril en partageant des recettes de smoothies? (remarquez que l’un n’empêche pas l’autre, mais l’un me paraît plus important que l’autre d’un point de vue de l’humain)(hachetague : CHSLD)

Puis avez-vous remarquez que dans la vague minimaliste-Marie Kondo, les gens qui adhérent sont majoritairement des gens riches? L’explication me paraît évidente. Sans argent, on n’a pas les moyens de se débarrasser de ce que l’on n’utilise pas, parce que si un jour on en a besoin, bah en aura peut-être pas les moyens de le racheter ou le tissu social qui nous permettra de l’emprunter. La peur du manque. La peur du manque n’est presque jamais adressée dans le développement personnel sauf pour dire que ce n’est pas une réalité. Alors que parfois, ça l’est.

Des exemples comme ça, j’en ai des dizaines (y compris mes comportements à moi, on est bien d’accord) : des cas d’appropriation culturelles. De « call out » justifié qui s’est terminé en boudage, de refus de remise en question.

« On » essaye de rendre le développement personnel inclusif, mais force est de constater qu’on échoue. Lamentablement. On essaye de le faire de notre place de privilégiés et on ne souhaite absolument pas mêler le développement personnel à la politique et au social. 
Pourquoi? Parce que ça serait extrêmement inconfortable pour nous de le faire. 

Or, mon avis c’est qu’il est temps que la spiritualité d’ici ose se politiser et se battre contre les inégalités. Lorsque les problèmes d’égalité hommes-femme, de racisme, de revenu minimum de base, de soin de santé, de LGBTQ+ phobies, de validisme et tout ce que j’oublie seront pris en compte, alors à mon sens on pourra avancer et le développement personnel sera à portée de tous et non pas juste de nous, la poignée de privilégiés.

J’ai conscience de la problématique de ce que je viens d’écrire : 1/ je n’ai pas de solution concrète à grande échelle à apporter à ma réflexion (encore)(enfin si, mais torpiller le capitalisme, cramer le patriarcat et annihiler le populisme me paraissent peu faisables à court terme) . 2/ étant moi-même privilégiée, de quel droit je m’approprie la parole? De quel droit je vole un espace qui ne m’appartient pas?
Je ne suis pas complètement déconstruite, Je suis privilégiée. Sauf que je le sais. Et j’aimerai juste lancer une réflexion si je le peux. 

Puis surtout avoir votre avis, à vous qui me lisez.
Parce qu'on peut faire mieux. Parce qu'on doit faire mieux.

Est-ce que ça résonne? Est-ce que vous réfléchissez à tout ça? Est-ce que vous le vivez?